Monter un protocole pluriprofessionnel
Selon l’HAS, un protocole pluriprofessionnel de soins de premier recours (PPSPR) est le schéma d’une prise en charge optimale par une équipe pluriprofessionnelle. Il reflète l’expression d’un accord local et documenté, pour proposer des solutions aux problèmes de prise en charge et favoriser l’harmonisation des pratiques.
Il s’agit donc de se mettre d’accord entre professionnels et d’écrire sur ce que l’on fait et ce que l’on dit aux patients face à une problématique donnée et comment on communique entre nous.
Attention de ne pas confondre !
Le protocole pluriprofessionnel
Il organise les soins au sein d’une MSP sans délégation de tâche. Chaque professionnel reste dans son domaine de compétence. Ils sont financés par l’ACI
Le protocole de coopération
Il organise les soins avec une délégation de tâche entre un délégant (habituellement un médecin) et un délégué (autres professions). Ils peuvent être construits au niveau national (voir les 6 protocoles nationaux) ou localement dans une équipe coordonnée. La description de la mise en place des protocoles de coopération locaux est claire sur le site du ministère de la Santé.
Pourquoi monter un protocole pluriprofessionnel ?
Parce que les discours discordants entre les professionnels sur une problématique discréditent chacun et sont surtout très déstabilisants pour les patients. Parce que l’absence de communication structurée entres les professionnels est une source de perte temps et surtout de perte de chance pour le patient.
Parce que les paroles s’envolent et que les écrits restent. Il est structurant et rassurant pour les équipes de poser les choses. Peut-être aussi parce que vous vous êtes engagés, dans le cadre des ACI à en rédiger…
Des protocoles sur quoi ?
On peut schématiquement distinguer trois types de protocoles :
Des protocoles de soins : ils décrivent classiquement une modalité de prise en charge d’un soins (exemple : Gestion des INR, Suivi d’HTA, Plaies Chroniques, chimiothérapie orale etc…)
Des protocoles de prévention : comment conjointement on met en œuvre les programmes de prévention ? (exemple : Vaccination antigrippale, dépistages de fragilité, addictions etc..)
Des protocoles d’organisation : comment on s’organise entre nous face à une situation (exemple: Sortie d’hospitalisation, Remplissage des dossiers partagés, Maintien à domicile etc…)
Le choix de la thématique doit être partagé entre l’ensemble des professionnels concernés et refléter une problématique qui, soit gène fréquemment les professionnels dans leurs pratiques (perte de temps, manque d’information, etc.), soit surtout entraine une perte de chance pour les patients ou complique son accès aux soins.
Dans le cadre des ACI, 5 thèmes prioritaires ont été identifiés :
- Patients porteurs d’affections sévères compliquées ou décompensées : insuffisance cardiaque, BPCO, asthme instable, mal perforant plantaire du diabétique, accident iatrogénique.
- patients pour lesquels une intervention pluriprofessionnelle est susceptible de prévenir la désinsertion socioprofessionnelle: lombalgies chroniques, syndrome dépressif.
- patients bénéficiant de soins itératifs pour lesquels la stratégie de prise en charge peut être à réévaluer: lombalgiques, diabétiques non autonomes pour leur insulinothérapie.
- patients polymédiqués pour lesquels le risque iatrogénique doit être reconsidéré.
- patients complexes ou en perte d’autonomie pour lesquels le maintien à domicile doit être conforté: sujets âgés, patients polypathologiques, soins palliatifs, suivi post AVC.
Cahier des charges
Classiquement, sur les premiers protocoles, pour ne pas être une “Usine à gaz” et avoir quelques chances d’être mis en œuvre efficacement un protocole devrait être “FACILE” (Excusez l’acronyme)
- Fréquent : C’est à dire avoir une chance d’être mis en œuvre rapidement et concerner donc une situation “habituelle”. (Choisissez plutôt le suivi des INR que la surveillance du Drépanocytaire).
- Acceptable : Par les professionnels (ne pas demander de remplir 3 pages de questionnaires) mais surtout par le patient dont on devra recevoir le consentement éclairé pour l’inclusion.
- Chiffrable : C’est à dire qu’il puisse être évalué sur la base d’indicateurs pertinents car il est périlleux de mettre en œuvre des procédures sans savoir si elles sont efficaces.
- Inattaquable : Le protocole doit respecter les règles de l’art de chaque profession et la réglementation en vigueur.
- Léger : Un protocole devrait tenir au maximum sur 2 pages. Ne pas chercher à traiter l’ensemble d’une situation complexe mais prendre juste les points bloquants (Exemple : “Surveillance de l’Insuffisant Cardiaque à domicile” plutôt que “Prise en charge de l’insuffisant cardiaque”)
- Evolutif : Un protocole n’est pas figé dans le temps. Au fil de sa mise en œuvre il doit être périodiquement ajusté et amélioré par l’usage.
Contenu d'un protocole
Nous vous proposons une “trame de protocole” qui permet de structurer le contenu. Elle comprend :
Il doit être explicite et précis. “Protocole diabète” est trop vague, d’autant plus qu’il peut y en avoir à terme plusieurs selon le type de diabète. “Protocole de prévention du pied diabétique chez les patients de plus de 60 ans” est plus précis.
Exemple “2016-001” ou “Diab-01“. Inscrit dans le dossier du patient, il permet, si votre Système d’information est correctement paramétré, (production de données) de quantifier facilement le nombre de patients inclus et d’extraire l’ensemble des dossiers par une requête simple.
Permet de justifier le protocole . Après quelques années, et pour les nouveaux arrivants, il peut être utile de se rappeler les situations antérieures “Comment c’était avant… »
Découle de la problématique. Dans la mesure du possible, il doit être “Chiffrable” en rappelant aussi que le protocole est “Evolutif” et que les objectifs doivent être périodiquement révisés selon leur degrés d’atteinte.
Si tous les professionnels doivent connaître les protocoles existants, le plus souvent, seul deux ou trois sont directement concernés.
Ils doivent être précis. Dans la mesure du possible, tenter de chiffrer le nombre de patients potentiellement concernés pour évaluer la charge de travail éventuelle. (exemple : sur nos 4000 patients il y a 8% de diabétique dont 30% peu observants. donc 96 patients potentiels sur le protocole observance diabète)
Ce qu’il est décidé de faire et de dire par qui ainsi que les circuits d’information entre les professionnels.
La périodicité et les critères qui peuvent évoluer (exemple: au début tous les mois et si ça fonctionne tous les 6 mois,)
Éventuellement les références sur lesquelles on s’est appuyé pour rédiger le protocole. Celles ci évoluent souvent d’où la nécessité de réviser périodiquement le protocole.
La majorité des protocoles, s’ils sont simples, ne devraient pas engendrer de coût. Cependant des Investissements peuvent être nécessaires (Tablettes, spiromètre, outils connectés etc…). Si l’inclusion ou le suivi d’un patient requiert un travail spécifique par un des professionnels et si l’équipe bénéficie des ACI, il peut être décidé d’indemniser ce temps de travail. Le budget de la SISA affecté à ce protocole peut ainsi être chiffré en fonction du nombre de patients attendus.
AVECSanté propose par ailleurs une formule simplifiée pour créer un protocole.
Les étapes pour monter un protocole
Ces étapes sont clairement décrites dans le document de l’HAS (31 pages). Nous n’apporterons que quelques compléments ou insisterons sur quelques points essentiels de “vécu”.
Identification du thème retenu :
Il est essentiel que, sur le choix des thèmes retenus, chaque profession puisse s’exprimer. (Le vécu de la prise en charge d’une plaie complexe peut être problématique pour une IDE sans que le médecin en ait conscience).
Sur le temps de rédaction :
Le “Groupe Projet” doit s’occuper de la rédaction du protocole.Pour ne pas démotiver les équipes, il est important qu’un planning strict soit établi pour que la rédaction ne s’éternise pas. En un mois et 3 à 4 réunions un protocole simple devrait pouvoir être rédigé. (Si un temps de travail important doit être consacré par un des membre, celui-ci peut être indemnisé si l’on bénéficie des ACI).
Sur la recherche documentaire :
Il existe assez peu de documentation sur cette nouvelle pratique que sont les “PPSPR”.
Dans le cadre des protocoles de soins, ce sont essentiellement les recommandations des bonnes pratiques (Evident Base Medecine) Le site de l’HAS est une mine d’information. Les sociétés savantes sur les différentes thématiques dans chaque profession peuvent être consultées.
Sur les protocoles de prévention, le site de Santé Publique France est également très riche en documentation et recommandations. Vous pouvez également en Région vous rapprocher de l’IREPS qui pourra vous accompagner.
Les “banques de protocole”. Il y en a peu à ce jour et de qualité variable. Dans “l’Espace Adhérents” nous avons mis ceux créés par nos membres. Il est essentiel que la recherche de protocoles déjà écrits vienne après que la problématique locale ait été clairement identifiée. On peut alors s’en inspirer mais surtout l’adapter à nos réalités locale. (Sans réinventer la roue, il est important que celles ci soient adaptées au véhicule et au terrain si on ne veut pas finir dans le mur..). De plus, la construction d’un protocole est un élément fédérant pour une équipe et facilite grandement son appropriation et sa mise en œuvre.
Sur la mise en œuvre :
- Que l’ensemble des professionnels, même s’ils ne sont pas directement impliqués soit informé des protocoles en cours pour servir éventuellement de relais vers les patients et de retour d’information sur leur vécu.
- Au début de la mise en œuvre, programmer précocement et régulièrement un suivi du protocole pour effectuer rapidement des réajustements éventuels.
Où trouver de l'aide
Si l’équipe a une idée de protocole mais une difficulté pour résoudre l’un de ses aspects scientifiques, l’équipe du Centre de Ressources de la HAS proposera une réponse scientifique étayée d’une recherche bibliographique et d’une synthèse des données, gratuitement et dans un délai de 2 à 3 mois après que la question ait été posée par mail au centrederessources@has-sante.fr
Nous pouvons vous procurer quelques exemples de protocoles éprouvés..
Si vous butez, bien entendu, contactez-nous !
o